GRANDIR

C’est de plus en plus flou mais je me souviens :

maman me tenait, puis me fila dans les bras de la sœur ;

à défaut de dents, gencive et langue dehors, je riais de bon cœur.

Crédule ; un pipi au lit et papa survient !

 

Bientôt les poupées en branches et les bols d’argile m’ennuyèrent ;

je voulais grimper haut dans les arbres, cueillir les fruits,

faire le mur et apprendre le vélo, comme le grand-frère.

Copiant faits et gestes, mon petit cerveau se croyait fin, instruit.

 

À cause de la méchante institutrice, j’aurais quitté l’école à six-ans

si papa ne m’avait pas menacée devant la fratrie, qui ricana.

Sans le comprendre, je souffris aussi du divorce : calme, peu apaisant ;

quelle chance, avec le recul, d’avoir eu catéchisme et daara…

 

D’où venaient ces sentiments de honte et de déroute face aux règles,

à seulement douze ans, au point d’écrire une lettre à ma sœur ?

Le secret des tissus séchant sous le lit percé, il demeura entre connais-sœurs ;

rien ne me préparait à être une fille, car j’aimais ce moi, garçonne et espiègle.

 

Pourquoi ici, pourquoi maintenant, la réalité est si cruelle !

Je comprends qu’on ne veuille grandir : la vie d’adulte use ;

le rêve est bien plus doux que le dar raciste de cette dame qui fuse,

ou le motif de ma conseillère d’orientation me menant en pro : culturel.

 

Comment regretter de mûrir, de créer son propre chemin,

de lire la fierté dans le regard de maman, des mères,

qui nous voit réaliser ces rêves d’enfants que l’on croit chimère ?

L’Héritage, matériel et immatériel, est la balance de vie entre l’hier et le demain.​